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Adoption pour tous, les droits de l’enfant ne sont pas menacés

Nov 15, 2012 | 0 commentaires

Le pro­jet de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe, auquel je sous­cris sans réserve, remet l’adoption sur le devant de l’actualité. Pour avoir conduit la réforme de l’adoption inter­na­tio­nale du rap­port Colom­ba­ni, recons­truit l’Autorité cen­trale de l’adoption inter­na­tio­nale, inven­té le réseau des Volon­taires de la pro­tec­tion de l’enfance et de l’adoption inter­na­tio­nale, je tiens à por­ter au débat quelques idées à l’encontre de lieux com­muns ou contre-véri­tés assé­nés ces der­niers mois.

 

Ouvrir l’adoption aux couples homo­sexuels n’atteint pas les droits de l’enfant.

La Conven­tion inter­na­tio­nale des droits de l’enfant ne fait pas men­tion de la néces­si­té de parents de sexe oppo­sé et l’adoption en tant que telle est une ins­ti­tu­tion de pro­tec­tion de l’enfance. Elar­gir l’accès des enfants à l’adoption ren­force bel et bien leur droit à la pro­tec­tion. C’est le droit de cha­cun d’avoir la convic­tion qu’un couple homo­sexuel ne peut pas faire famille. Mais c’est ins­tru­men­ta­li­ser les enfants que de maquiller cette opi­nion per­son­nelle en atteinte à leurs droits. Sur­tout lorsque ces droits sont inven­tés de toutes pièces au détri­ment de ceux qui existent bel et bien. Où étaient ces zélés défen­seurs lorsque les droits de l’enfant subis­saient de véri­tables atteintes : Arche de Zoé, col­lec­tifs de pres­sion pour régu­la­ri­ser des adop­tions inter­na­tio­nales irré­gu­lières, rapa­trie­ment d’enfants haï­tiens encore non adop­tés au motif du séisme de 2010 ? Nulle part. Au contraire, le dis­cours domi­nant a sys­té­ma­ti­que­ment été de ver­ser une larme sur ces pauvres enfants vic­times de la cruau­té des ins­ti­tu­tions qui ten­taient, jus­te­ment, de faire res­pec­ter les droits et l’intérêt supé­rieur de l’enfant. En matière de droits de l’enfant, il n’y a pas deux poids deux mesures. Et ceux qui les invoquent aujourd’hui pour jus­ti­fier leur rejet de la famille homo­sexuelle se réveillent bien tard. Ils auraient été mieux ins­pi­rés de se mobi­li­ser face à des faits réels. On n’en a pas man­qué ces der­nières années. On ne peut pas plus pré­tendre défendre les droits de l’enfant et reje­ter ce qui appor­te­ra une solu­tion aux 50 000 à 400 000 d’entre eux vivant d’ores et déjà en France au sein de familles homo­pa­ren­tales. Les droits de l’enfant sont aus­si au cœur de l’accompagnement puis du sui­vi des pro­jets d’adoption. Non exempt de défauts, le dis­po­si­tif fran­çais existe et fonc­tionne et il est pro­fon­dé­ment injuste de nier ou occul­ter sa capa­ci­té à inté­grer chaque par­ti­cu­la­ri­té fami­liale, sauf à consi­dé­rer que les opi­nions des adultes qui le font priment sur l’intérêt des enfants pour qui ils inter­viennent et mettre en doute leur qua­li­té et leur inté­gri­té pro­fes­sion­nelles. Enfin, si l’adoption par les couples homo­sexuels signi­fiait un « droit à l’enfant » pour ces der­niers, au nom de quoi il n’en serait pas de même pour l’adoption par les couples hété­ro­sexuels ou les céli­ba­taires ? Affir­mer cela, c’est remettre en cause toute l’institution de l’adoption.

Ouvrir l’adoption aux couples homo­sexuels ne péna­li­se­ra pas l’adoption internationale.

Cer­tains ont agi­té la peur de voir les pays d’origine des enfants péna­li­ser la France dans le trai­te­ment des dos­siers d’adoption au motif qu’elle per­met­trait mariage et adop­tion par les couples homo­sexuels quand leur culture locale y est oppo­sée. Cette affir­ma­tion démontre une mécon­nais­sance des ques­tions rela­tives à l’adoption inter­na­tio­nale. Elle ne se fonde sur aucune réa­li­té, la France est connue pour son com­bat inter­na­tio­nal en faveur de l’égalité des droits quelle que soit l’orientation sexuelle, encore récem­ment affir­mé par le pré­sident de la Répu­blique à l’Assemblée géné­rale des Nations unies. Les pays d’origine ne l’ignorent évi­dem­ment pas. En réa­li­té, si de tels faits dis­cri­mi­na­toires voyaient le jour dans des pays d’origine, ce n’est pas l’égalité des droits en France qui en serait la cause, mais bien la dégra­da­tion de notre dis­po­si­tif d’adoption inter­na­tio­nale, qui n’est plus, depuis long­temps, adap­té à ses enjeux actuels. La capa­ci­té fran­çaise à por­ter ses pro­jets fami­liaux dans les pays d’origine tient à un ensemble com­plexe de rela­tions avec ces pays. Elle est très faible. Il manque une véri­table stra­té­gie de ter­rain, une diplo­ma­tie de l’adoption inter­na­tio­nale. Pour mieux adop­ter, la France doit savoir accom­pa­gner les pays d’origine à avoir moins besoin d’adoption. C’est le cœur même des prin­cipes géné­raux des droits de l’enfant.

Pen­ser en prio­ri­té à l’enfant, c’est por­ter les efforts sur la réno­va­tion de notre dis­po­si­tif d’adoption et non sur des débats idéo­lo­giques stériles.

C’est à ce prix que les droits de l’enfant seront ren­for­cés et que les adultes por­teurs de pro­jets fami­liaux ne seront pas dis­cri­mi­nés. C’est une action de long terme qui engage tous les acteurs publics et pri­vés de la pro­tec­tion de l’enfance. Déve­lop­per l’accompagnement amont et aval des pro­jets fami­liaux et réno­ver notre dis­po­si­tif d’adoption inter­na­tio­nale sont les deux urgences. Sans cesse repous­sée, l’opportunité est offerte aujourd’hui de les enga­ger. Si elle ne relève pas stric­to sen­su du pro­jet de loi pro­po­sé par le gou­ver­ne­ment, c’est un de ses grands avan­tages de la remettre d’actualité. Pour les enfants.

(Article publié dans Libé­ra­tion du 15 novembre 2012)

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