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Défenseur des droits : si, Jacques Toubon est un très bon choix

Jan 16, 2014 | 0 commentaires

L’annonce par le Pré­sident de la Répu­blique de la pro­po­si­tion de Jacques Tou­bon comme défen­seur des droits a pro­vo­qué un pro­cès en sor­cel­le­rie digne des grands pro­cès moyen­âgeux et dont seuls quelques inqui­si­teurs modernes ont le secret – et le culot – dans notre belle Répu­blique des droits de l’Homme.

 

Dans de tels pro­cès, nous savons tous que les témoi­gnages à décharge sont bien peu de choses tant le jugé est condam­né avant l’heure. Pour autant, et pour avoir tra­vaillé avec Jacques Tou­bon au sein de l’Hadopi de mars 2010 à décembre 2013, l’effarante mal­hon­nê­te­té des argu­ments avan­cés à charge de façon tota­le­ment décon­tex­tua­li­sée m’oblige à témoi­gner de qui est l’homme que j’ai cotoyé presque quo­ti­dien­ne­ment et de pour­quoi je suis sin­cè­re­ment convain­cu qu’il fera un excellent défen­seur des droits.

Jacques Tou­bon et les droits LGBT, un injuste procès.

Cer­tains se sou­vien­dront de mon enga­ge­ment actif en faveur du pro­jet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, et de ses consé­quences en termes de famille et d’adoption. Cet enga­ge­ment m’a don­né l’occasion de prendre publi­que­ment posi­tion en faveur, notam­ment au tra­vers d’une tri­bune publiée dans Libé­ra­tion en novembre 2012 « adop­tion pour tous, les droits de l’enfant ne sont pas mena­cés ».

Rap­pe­lons rapi­de­ment que cette tri­bune m’a en par­ti­cu­lier valu une volée de bois vert de per­sonnes ulté­rieu­re­ment char­gées par la ministre Ber­ti­not­ti d’animer le tra­vail pré­pa­ra­toire de la loi famille en matière de droits de l’enfant et qui avaient publi­que­ment pris par­ti contre le « mariage pour tous ». Cela n’a pas cho­qué grand monde … mais là n’est pas la ques­tion. L’histoire est autre.

J’ai construit et écrit cette tri­bune en toute trans­pa­rence avec les membres de la gou­ver­nance de l’Hadopi, et elle est venue après de longues dis­cus­sions avec eux tant sur le fond que sur la forme, eu égard à mon sta­tut de secré­taire géné­ral de l’institution. Jacques Tou­bon a fait par­tie de ces membres avec qui j’ai eu de longs échanges sur le fond.

J’affirme de ces échanges qu’il il était par­fai­te­ment en accord avec les thèses défen­dues dans ce texte et ceux qui ont sui­vi. J’affirme que l’homme que je connais n’a pas l’ombre d’une idée dis­cri­mi­nante envers les per­sonnes à rai­son de de leur sexualité.

J’irai même plus loin, nos dis­cus­sions nous ont natu­rel­le­ment ame­né à par­ler de la PMA et de l’évolution des modes de pro­créa­tion dans la socié­té. A nou­veau, sur ces sujets tou­jours ouverts, j’ai ren­con­tré une écoute et une réflexion très éloi­gnées des nom­breuses prises de posi­tion dog­ma­tiques qui ont fleu­ri ces der­niers temps.

Très loin du défen­seur psy­cho­ri­gide de la famille patriar­cale dont on sou­haite lui col­ler l’étiquette, Jacques Tou­bon est un huma­niste qui observe et réflé­chit avant de prendre une quelque posi­tion et rejette vio­lem­ment toute forme de dis­cri­mi­na­tion quelle qu’en soit la rai­son et en par­ti­cu­lier l’orientation sexuelle. Arrê­tons les faux procès !

Quelques mots sur Hado­pi et le droit d’auteur. 

On lit de ci de là que Jacques Tou­bon aurait reven­di­qué l’extension des pou­voirs dits de répres­sion de l’Hadopi. On confine là au sum­mum de l’amateurisme.

Durant son man­dat au sein du col­lège, non seule­ment il a en effet plai­dé pour une exten­sion des pou­voirs de l’institution, mais en matière de meilleure régu­la­tion de l’offre dite légale dont les carences ne sont plus à démon­trer, mais encore a t’il été une voix de poids au sein du col­lège pour faire accep­ter mon pro­jet de tra­vail sur la « rému­né­ra­tion pro­por­tion­nelle du par­tage », idée dont on connaît le carac­tère émi­ne­ment dis­rup­tif, qu’il a très vite adop­tée et dont il est aujourd’hui encore l’ambassadeur à l’échelle européenne.

Jacques Tou­bon est un pro­gres­siste qui sait consta­ter les évo­lu­tions et remettre en ques­tion sans pré­sup­po­sés les idées acquises.

L’abolition de la peine de mort et les fouilles archéologiques. 

Je ne revien­drai pas sur les accu­sa­tions quant à l’abolition de la peine de mort, Bru­no Roger-Petit l’a fait mieux que je ne sau­rai le faire , et plus vite que moi.

Soyons cepen­dant vigi­lants quant à la façon dont nous trai­tons l’information, sur­tout lorsqu’elle est exhu­mée du pas­sé. Que Jacques Tou­bon ne soit pas exempt de défauts c’est évident. Qu’il ait, dans sa car­rière, com­mis des erreurs, ça l’est aus­si. Et alors ? Quelle per­son­na­li­té poli­tique peut, encore aujourd’hui, hon­nê­te­ment affir­mer que ses posi­tions publiques n’ont pas été autant dic­tées par l’opportunité poli­tique que par ses convic­tions ? Qu’on me la présente !

Rap­pe­lons nous aus­si lorsqu’on parle des années 80 à quel point la socié­té était dif­fé­rente, en par­ti­cu­lier sur les ques­tions liées à l’homosexualité et l’apparition du HIV. J’avais vingt ans à l’époque et je l’ai vécu de très près. Il en est de même quant à la pra­tique poli­tique, qui n’est pas pour autant mora­li­sée aujourd’hui, loin s’en faut.

Quand on s’exerce à fouiller dans le pas­sé, il est dan­ge­reux de ne pas le faire en remet­tant les évé­ne­ments dans leur contexte. On dit qu’à 73 ans Jacques Tou­bon ne ferait pas un bon défen­seur des droits ? Je dis, moi, que jus­te­ment à 73 ans il a vécu et obser­vé avec une acui­té rare ces évo­lu­tions socié­tales majeures, et en a tiré une sagesse dont la Répu­blique et nos droits ont bien besoin.

Le Pré­sident de la Répu­blique a fait un très bon choix. 

Cer­taines rai­sons ont été jus­te­ment évo­quées par Authueil , com­plé­tons un peu son propos.

Jacques Tou­bon est un tra­vailleur infa­ti­gable. Il ne fait pas par­tie de ces per­son­na­li­tés poli­tiques qui n’existent que par leurs plumes et les notes de leurs ser­vices. Il est sa propre plume et sa connais­sance pro­fonde du droit et de l’administration lui donne la capa­ci­té d’analyser chaque situa­tion à l’aune de l’objectif recher­ché. Ne nous y trom­pons pas, dans les méandres poli­ti­co-admi­nis­tra­tifs fran­çais c’est extrê­me­ment pré­cieux en termes d’efficacité.

Il est modeste. Dans le cas par­ti­cu­lier du défen­seur des droits qui tra­vaille avec trois adjoints vice-pré­si­dents du col­lège asso­cié à sa com­pé­tence c’est essen­tiel. Veux t’on d’un défen­seur des droits omni­pré­sent qui étouf­fe­ra, par simple jeu de pou­voir, ses adjoints ou, au contraire, d’un défen­seur des droits col­lé­gial qui sau­ra leur lais­ser toute leur place dans le débat public ? Celui-là c’est Jacques Tou­bon, bien loin des hypo­thèses alter­na­tives que j’ai vu fleu­rir et dont le verbe est très loin de la réa­li­té de l’exercice quo­ti­dien des res­pon­sa­bi­li­tés. Je parle d’expérience.

C’est un homme libre. Jacques Tou­bon n’a rien à prou­ver et ne doit rien à per­sonne. Sa parole porte et il sait por­ter jusqu’au bout les com­bats dont il a la res­pon­sa­bi­li­té. C’est éga­le­ment un euro­péen convain­cu et res­pec­té dans l’Union, or la défense des droits ne s’arrête plus aujourd’hui à la porte des fron­tières natio­nales, loin s’en faut.

Le défen­seur des droits est sans doute l’une des admi­nis­tra­tions les plus com­plexes qui existe en France. Résul­tat de la fusion de trois ins­ti­tu­tions auto­nomes, sa construc­tion n’est pas ter­mi­née et le pire serait de nom­mer quelqu’un dont l’égo, ou l’incompétence admi­nis­tra­tive, ne le trans­forme len­te­ment en bateau ivre vidé de toute effi­ca­ci­té en faveur de nos droits.

Bien sûr ces rai­sons peuvent sem­bler déri­soires à beau­coup de nos lucky-luke de la véri­té si prompts à dégai­ner. Grand bien leur fasse. Je dis moi que le tra­vail appro­fon­di prime sur la parole incan­ta­toire jamais sui­vie d’effet. L’homme m’intéresse plus que l’image d’épinal, et Jacques Tou­bon est un homme qui réunit nombre des qua­li­tés néces­saires à enga­ger le défen­seur des droits dans une nou­velle étape à la hau­teur de la mis­sion de l’institution. Telle est mon expé­rience. Je l’ai vécu.

(Tri­bune publiée sur Rue89 le 16 juin 2014)

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